"Le Figaro" a suivi Yves Jégo lors
de la première étape de sa tournée de soutien aux candidats UMP dans des villes
tenues par la gauche.
Le Figaro
Samedi, 3 novembre 2007
L'UMP parie sur les "minorités visibles" pour conquérir
les banlieues
Yves Jégo, porte-parole de l'UMP, fait la tournée des
circonscriptions où son parti présente
des candidats issus de l'immigration.
« Ce n'est pas parce que je m'appelle Kamel que j'ai
vocation à me faire élire à La Courneuve, mais parce que je suis français
» : Kamel Hamza, 39 ans, a beau s'en
défendre, c'est aussi parce qu'il est issu d'une « minorité visible » qu'il a
été choisi par l'UMP pour affronter Gilles Poux, maire communiste sortant de La
Courneuve. Et s'il a réussi à attirer une bonne centaine de sympathisants à son
meeting de lancement de campagne, la semaine dernière, alors que les municipales
n'ont lieu qu'en mars et qu'il n'a pas encore été officiellement investi, ses
origines y sont sûrement pour quelque chose.
Paradoxes d'une croisade dont le héraut annonce qu'il
veut « chasser l'idée que La Courneuve serait une sorte de pays à part », les «
Gaulois » sont ultra-minoritaires dans le public, et des étiquettes « hallal »
ou « porc » ornent les plats du buffet, au fond de la salle.
Autre paradoxe : Kamel Hamza a pour mentor Éric Raoult,
dont il est l'assistant parlementaire. Le maire du Raincy, lui-même ancien
poulain de Pasqua, ne s'est toujours pas débarrassé de l'étiquette de « facho »
que lui ont collée ses adversaires de gauche. La campagne de Hamza lui offre
l'occasion de prendre sa revanche.
Pour que la démonstration soit encore plus convaincante,
un autre candidat « issu de la diversité » est assis à la tribune : Fayçal
Ménia, qui veut prendre la mairie d'Aubervilliers au communiste Pascal Beaudet.
Là-bas comme à La Courneuve, l'affrontement PC-PS peut tourner à l'avantage de
l'UMP. D'où la présence d'Yves Jego au côté de Kamel Hamza et de Fayçal
Ménia.
« Monterau, c'était tout blanc »
Le porte-parole de l'UMP regrette que la droite, vu ses bons scores de 2001,
« s'engage dans la bataille en essayant de perdre le moins de villes possible
». En 1995, les divisions de la gauche lui avaient permis de conquérir la
mairie de Montereau après vingt-quatre ans de règne communiste puis socialiste.
Fort de cette expérience, il a entamé une tournée dans les fiefs de l'opposition
pour encourager les « candidats courageux, qui ne se résignent pas à
abandonner ces villes prises en otages par des partis qui n'ont pas intérêt, au
niveau national, à ce que la situation s'arrange ».
« Montereau,
explique le professeur Jego, c'est 5 000 euros de revenu annuel par
habitant et 73 % de logements sociaux. Ces chiffres-là, ça veut dire qu'il faut
de la diversité au conseil municipal. Eh bien, c'était tout blanc !» «
Tout blanc » lui aussi, Yves Jego se flatte d'avoir appliqué « la
discrimination positive avant l'heure » dans sa commune. Selon lui, il n'est
pas d'argument qui ne puisse être « retourné » contre l'adversaire. Exemple à
l'usage de Kamel Hamza, au cas où certains se demanderaient pourquoi un « beur »
se présente sous les couleurs de l'UMP : « On te reproche de soutenir le
gouvernement, en disant que c'est à cause de lui s'il y a du chômage à La
Courneuve ? Répond qu'en élisant un maire du côté du manche, La Courneuve aura
un avocat auprès du gouvernement ! »
Le candidat a anticipé la leçon en s'emparant du thème
de l'insécurité. « Il y a six mois, raconte-t-il, on a lancé une pétition
pour la création d'une police municipale et pour l'installation de caméras de
surveillance. C'était tabou, alors qu'à La Courneuve, il y a couvre-feu à 17
heures ! Eh bien, comme par hasard, le maire a annoncé l'ouverture d'un débat
sur l'insécurité au moment même où on a démarré notre campagne ! » Yves
Jego approuve : « Moi, quand j'ai installé des caméras à Montereau, j'ai
désarçonné la gauche en expliquant que j'avais pris exemple sur Maurice
Charrier, le maire communiste de Vaulx-en-Velin !»
L'auditoire apprécie. L'insécurité, ces militants UMP
noirs, arabes ou kabyles en sont victimes comme les autres. Ils apprécient
moins, en revanche, l'« amendement ADN ». « Pour le moment, j'évite d'en
parler », soupire Hamza. Le sujet aura tout de même ce soir-là suscité un
débat passionné.
Judith
Waintraub