Le 4 février dernier, jour anniversaire du prophète Mohammed, le jeune journaliste saoudien de 23 ans Hamza Kashgari a twitté :
"1- En ton jour d'anniversaire, je peux dire que j'ai aimé le rebelle qui est en toi, que tu as toujours été une source d'inspiration pour moi, et que je n'aime pas les halos de divinité autour de toi. Je ne prierai pas pour toi.
2- En ton jour d'anniversaire, je te trouve où que j'aille. Je dirai que j'ai aimé certaines choses en toi, que j'en ai détesté d'autres, et que beaucoup d'autres me sont restées incomprises.
3- En ton jour d'anniversaire, je ne m'inclinerai pas devant toi. Je ne baiserai pas ta main. Mieux, je te la serrerai comme le font 2 êtres égaux, et je te sourirai comme tu me souris. Je te parlerai comme à un ami, rien de plus."
Le public saoudien a réagi très violemment, des milliers d'internautes appelant à son arrestation et à son execution pour blasphème. Hamza Kashgari a immédiatement effacé ses twitt et s'est excusé. Une page a été créée sur Facebook intitulée "Le peuple saoudien veut l'exécution de Hamza Kashgari", qui a rapidement rassemblé plus de 18000 membres...
Le 5 février, un islamiste bien connu, sheikh Nasir al-Omar, a dédié sa leçon à ce sujet et appelé pour l'éradication du blasphème et l'exécution de Hamza. Des milliers de faxs sont parvenus à la Cour Royale, des milliers de poursuites judiciaires ont été enregistées contre lui à travers le pays. Il semblerait que l'activité d'Hamza était déjà sous la surveilance d'extrémistes religieux depuis plusieurs mois.
Le 6 février, Hamza Kashgari a quitté l'Arabie saoudite pour la Nouvelle-Zélande via Kuala-Lumpur (Malaisie). Pendant la correspondance à l'aéroport de Kuala, il fut arrêté. Le même jour, le roi saoudien demandait son arrestation.
Le 7février, le "comité permanent des fatwas", sous la présidence du sheikh Abdelaziz Al al-Sheikh, Grand Mufti d'Arabie saoudite, publia un communiqué dans lequel il décrivait Hamza Kashgari comme un apostat et un hérétique, une accusation passible de la peine de mort. Le Ministre de la culture et de l'information interdit alors Hamza de toute publication.
Des organisations de défense des droits de l'homme se sont mobilisées, des journalistes, des universitaires et le grand public, partout dans le monde. Plus de 4000 personnes ont signé une pétition demandant aux autorités malaisiennes de ne pas extrader Hamza vers l'Arabie saoudite, où il affronterait un procès injuste et risquerait la mort. D'autres ont signé une lettre ouverte au Premier ministre malais dans le même sens.
Hamza Kashgari a été retenu par les autorités malaisiennes, qui lui ont refusé le contact avec un avocat. Il a été remis à la police saoudienne le 12 février au matin.
Selon mon ami Pascal Ménoret (cf LeMonde.fr), qui enseigne à la New-York University Abu-Dhabi, "la seule chance pour Hamza Kashgari d'éviter une punition sévère est que les plus hautes autorités saoudiennes reconnaissent le caractère bénin de la nature de ses posts surTwitter et le caractère haineux de la campagne lancée contre lui par des extrémistes islamistes ".
Sinon, c'est la mort par pendaison qui attend ce jeune journaliste internaute.
Je ne connais pas Hamza. Mais je connais son pays, ses habitants, son système et son appareil politique. L'accès au trône du roi Abdallah en 2005 a laissé entrevoir un peu de lumière dans l'obscurantisme wahhabite qui couvrait comme une chappe de plomb les libertés publiques dans le royaume aux 2 saintes mosquées. Un processus d'ouverture du vote démocratique a même été lancé, un vent de liberté a commencé a souffler.
Et pourtant, cette triste histoire rappelle combien la transition démocratique est difficile à mener. Aujourd'hui tout simplement, la vie d'Hamza Kashgari n'est plus un enjeu de justice ni d'humanité, mais le symbole d'une lutte d'influence de la part des tenants du plus fort rigorisme religieux dont je ne peux croire qu'il ne soit pas aussi et même surtout politique.
De nombreuses pétitions existent sur internet, même si je ne sais pas vers laquelle vous orienter. Si vous voulez lui témoigner votre soutien, vous trouverez la pétition qui vous sied.
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