Propos recueillis par Bertrand GRECO
Le Journal du Dimanche
Nommé au
secrétariat à l'Outre-Mer il y a quelques semaines, Yves Jégo a d'autres
ambitions, inscrites autour de la capitale. Le maire (UMP) de Montereau (77)
prône une communauté urbaine parisienne et une grande Région Ile-de-France.
Avançant selon lui des idées qui "décoiffent", il ne fait pas mystère
de sa candidature future à la présidence de la région.
Que proposez-vous pour le Grand Paris?
A mon sens, le Grand Paris ne peut pas être autre chose qu'une communauté
urbaine autour de la capitale. C'est ce que j'ai exposé à Christian Blanc que
j'ai rencontré cette semaine. Paris a besoin de s'organiser avec ses voisines
pour régler un certain nombre de problèmes et prendre en charge les dépenses
communes.
A quoi pourrait ressembler cette "communauté urbaine"?
Elle doit être créée par la loi, puisque Paris est à la fois une ville et un
département. Mais on peut très bien imaginer une structure calquée sur ce qui
existe partout, à Lyon, Lille... Il faudrait se mettre d'accord sur ses
compétences: développement économique et emploi, transports, logement, sans
oublier les grand projet architecturaux. Ce Grand Paris devrait aussi avoir une
fiscalité propre, c'est-à-dire une taxe professionnelle unique, qui obligera
Paris à s'équilibrer avec ses voisines directes.
La mise en place d'une fiscalité unique du Grand Paris ne risque-t-elle pas
de se heurter à l'égoïsme non seulement de Paris, mais aussi des Hauts-de-Seine?
Peut-être. C'est là qu'on saura si l'intérêt général doit dépasser les intérêts
particuliers. Dans les Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, le président du
Conseil général, est en phase avec l'idée de communauté urbaine de Paris.
Quelles limites géographiques imaginez-vous?
Paris et ses voisines directes, les villes limitrophes. La base géographique de
la Conférence métropolitaine, lancée par le maire de Paris, me semble
pertinente. Je suis d'ailleurs opposé à l'idée du sénateur Dallier, qui veut fusionner
les départements de la petite couronne.
On a l'impression que vous êtes condamné à défendre l'idée d'un Grand Paris
parce que Nicolas Sarkozy y tient, mais que, au fond, cela ne vous plaît
guère...
Pas du tout. Grâce au Grand Paris, les financements n'iront plus à Paris en
priorité. Ce sera un outil d'équilibre. Je compte inviter, avant l'été, tous
les maires de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne
afin de structurer les "oubliés du Grand Paris". Aujourd'hui, à
Montereau, on a des trains en aluminium des années 1950, une carte orange à 110
euros et des gares qui ne sont pas remises en état. Quand je vois que dans le
même temps, on a déboursé 200 millions d'euros pour le tramway parisien, je me
dis que notre région a trop longtemps regardé son nombril, c'est-à-dire Paris.
Vous êtes déjà en campagne pour les régionales de 2010?
J'aspire à devenir président de la Région pour qu'on puisse, dans dix ou quinze
ans, se loger partout, dans des conditions financières acceptables, et bouger
aussi bien en voiture qu'en transports en commun. Ce sont les deux axes de mon
projet. On parle d'un métrophérique, c'est une bonne idée, qui doit être
financée par le Grand Paris. Moi, je suis partisan d'une Francilienne
ferroviaire qui relierait les villes de très la grande couronne, à 80 km de la
capitale. Je suis aussi partisan de la fermeture des voies sur berges à Paris.
J'ai été le premier élu UMP à applaudir Paris-Plage. Si vous avez cette logique
toute l'année, avec des restaurants, des boutiques, des lieux de culture et de
promenade, vous faites la plus grande capitale d'Europe. Mais il y a un
préalable auquel s'opposent les ayatollahs Verts de la mairie de Paris. Je
propose qu'on construise sous Paris des voies souterraines pour ne pas entraver
le trafic automobile.
Nicolas Sarkozy veut organiser des primaires. Qu'en pensez-vous?
Je m'en réjouis. J'irai au devant des 30 000 militants franciliens de l'UMP
pour présenter mes idées dont certaines vont décoiffer. S'ils me choisissent
pour les représenter, j'y mettrais toute mon énergie. S'ils préfèrent un autre
candidat, je me rangerais à leur choix.
Qu'est-ce qui vous distingue de Roger Karoutchi, lui aussi candidat à la
Région?
Sans doute l'expérience, peut-être la sensibilité, et surtout l'origine
géographique, cet enracinement dans la grande banlieue. Roger est conseiller
régional depuis longtemps et il y fait un travail appréciable, mais quant à
moi, je n'ai jamais siégé au Conseil régional, ce qui me donne un oeil neuf.
Qui de vous deux est le plus proche de Nicolas Sarkozy?
La course ne se jouera pas sur les centimètres de proximité avec le chef de
l'Etat. Nous sommes tous les deux des fidèles mais dans la logique des
primaires, il y aura sans doute d'autres candidats.
Vous venez d'être nommé secrétaire d'Etat à l'Outre-mer. Est-ce une façon de
vous éloigner de l'Ile-de-France?
Ça m'éloigne physiquement, mais je reste maire de Montereau, très présent dans
ma commune. En un mois, j'ai fait 60 000 km en avion. Ça me laisse du temps
pour réfléchir à l'avenir de l'Ile-de-France.
François Fillon a proposé de changer le mode de scrutin pour les
régionales...
Je mesure les limites du mode de scrutin actuel. Je mesure aussi que changer le
mode de scrutin à quelques mois de l'échéance électorale pourrait donner
l'impression qu'on privilégier son camp. A mon sens, cette évolution sera
possible seulement en cas de consensus entre la gauche et la droite.