VALEURS ACTUELLES - 31 juillet 2008
MANOEUVRES RADICALES
Trente-six ans qu’ils attendaient cela ! Depuis leur départ du parti radical en 1972 (pour cause de signature du programme commun Mitterrand-Marchais), les radicaux de gauche végétaient en parti croupion du PS ; les voilà, l’espace d’un texte, devenus parti charnière entre la droite et la gauche. Ultra minoritaires au Parlement (1,88 % des sièges !), ce sont, en effet, ses maigres troupes (7 sénateurs et 11 députés, majoritairement acquis au oui, aucun ne votant non) qui ont permis à la réforme constitutionnelle d’être adoptée à Versailles – à deux voix près. « L’opinion et les médias se sont polarisés, à tort, sur le vote de Jack Lang, explique un ministre. En réalité, c’est le PRG, et lui seul, qui, à gauche, a rendu possible notre succès. » Les prémices, espère Nicolas Sarkozy, d’un futur ralliement à sa majorité. Privant les socialistes, déjà au plus mal, de leur allié de plus de trente ans… Beaucoup l’ignorent, mais il s’en est fallu de peu que la chose ne soit déjà faite. Au lendemain de la présidentielle, Jean-Michel Baylet a, en effet, failli entrer au gouvernement. Sitôt élu, le nouveau chef de l’État, non encore intronisé, avait discrètement rencontré à La Lanterne, à Versailles (déjà!), le président du PRG – qui avait apporté son soutien à Ségolène Royal. Objet de cet entretien : une proposition de maroquin. Mais à une condition: que Baylet convainque Christiane Taubira de le suivre en acceptant le ministère de la Justice. Une offre qu’a refusée l’ancienne candidate radicale de gauche à la présidentielle de 2002 (2,32 %). Sur cet épisode, Baylet reste silencieux. Il feint aussi de l’oublier lorsqu’il affirme que son parti « reste dans l’opposition »: le PRG fait déjà groupe commun au Sénat avec le parti radical valoisien de Jean-Louis Borloo. «Au-delà des différences de sensibilité, par-delà les différences partisanes, ses membres ont toujours marqué leur fidélité à l’essentiel : la défense des idéaux de liberté, de tolérance et de solidarité », revendique, sur son site Internet, le groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen). De même, un très officiel « dialogue » au sommet a-t-il été rouvert, depuis novembre 2007, entre les deux héritiers du vieux parti radical (créé en 1901).«On essaie de refermer la parenthèse » de la scission, confiait alors Borloo, à propos des trois groupes de travail mis en place entre les deux formations (Europe, développement durable et laïcité). «On est sur le constat de nos convergences », confirmait, de son côté, Baylet dans le Monde : « Les lignes bougent, la politique bouge, les radicaux ont aussi envie de bouger. » Et d’ajouter, au sujet d’une éventuelle « fusion » entre son parti et celui de Borloo: «On verra. » On n’en est certes pas (encore) là. Mais c’est bien l’objectif. En revanche, l’hypothèse de listes uniques des deux partis radicaux lors des européennes de 2009 a plus progressé que le président du PRG veut bien le reconnaître.«Nous avançons », dit-on dans l’entourage de Borloo. À la manoeuvre, depuis l’Élysée, Sarkozy pousse depuis des mois à cette alliance, à laquelle pourrait aussi se joindre le Nouveau Centre d’Hervé Morin. Double avantage à la clé (lire Valeurs actuelles de la semaine dernière) : savonner en même temps la planche des socialistes et de… François Bayrou – lequel se retrouverait concurrencé sur son positionnement “ni droite ni gauche”. «Ce n’est pas pour rien si le PS et Bayrou se sont montrés si véhéments à l’encontre de Bernard Tapie, après l’arbitrage favorable qui lui a été rendu dans le cadre de son conflit avec le Crédit Lyonnais, commente un député radical, sous couvert d’anonymat: ils craignent plus que tout, malgré ses dénégations, qu’il ne joue les “réconciliateurs” de la famille radicale.» Aujourd’hui proche de Sarkozy, pour lequel il a appelé à voter à la présidentielle, Tapie, il est vrai, fait figure de “passerelle” idéale: déjà candidat radical aux européennes de 1994 (où il avait atteint 12,03%),il est à la fois membre du PRG et ami personnel de Borloo, qui fut son avocat.
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