Monsieur le Président,
La situation économique internationale, et notamment la dette souveraine des Etats, a atteint un niveau de risque critique supérieur à celui de la crise de 2008.
La dernière crise était caractérisée par une dissémination de l’endettement individuel des ménages, notamment aux Etats-Unis, dans un système financier et bancaire sophistiqué dont plus personne ne maîtrisait la réalité.
Les Etats européens et les Etats-Unis sont venus, à juste titre, au secours des économies et des peuples mis en danger par ce système scandaleux. Ils furent le rempart à toutes les dérives et ont sauvé le modèle économique et les épargnants des zones concernées.
Aujourd’hui ce sont les Etats eux-mêmes, derniers soutiens de la précédente crise, qui se retrouvent pris dans la spirale des déficits, mettant certains d’entre eux dans l’incapacité de financer leurs dépenses courantes, ou quand ils peuvent le faire, à des niveaux d’intérêts qui ne font qu’aggraver la situation.
L’endettement de la Grèce approche 170% de son PIB et son refinancement se fait à des taux insoutenables budgétairement et socialement. Le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie sont dans une situation de fragilité.
La France elle-même a vu son endettement progresser de vingt points depuis 2007, à 85% de son PIB. Un décret d’avance a été nécessaire fin 2010 pour financer les charges courantes de l’Etat, notamment pour honorer le traitement de ses fonctionnaires.
Les Etats-Unis, avec 14.000 milliards de dollars d’endettement, sont à leur tour dans une situation préoccupante et doivent obtenir du Congrès un relèvement du plafond de leur endettement et un plan de réduction des dépenses de 4000 milliards avant le 2 août pour éviter un risque de dégradation de leur notation sur les marchés.
L’interconnexion de tous les systèmes nous place devant un risque systémique majeur. Nous sommes à la fois face à une crise d’urgence, exigeant des réponses immédiates, et un problème structurel, qui nécessite des réponses de fond à moyen et à long terme.
Dans l’immédiat, les chefs d’Etat et de Gouvernement de la zone euro se réunissent le 21 juillet prochain pour parvenir à une décision concernant la Grèce. Les divergences entre les positions françaises et allemandes, concernant notamment la participation des acteurs bancaires et financiers, le mécanisme de rachat de la dette grecque et l’émission d’euro-obligations, doivent être surmontées dans un mécanisme durable, soutenable et applicable si nécessaire à d’autres pays. La France est engagée, les Français sont engagés dans le Fonds européen de stabilité financière (FESF) doté de 400 milliards d’euros.
Monsieur le Président, la situation actuelle n’est plus un problème technique ou budgétaire, mais engage la communauté nationale pour les décennies à venir. Les options prises ou écartées par le gouvernement influeront sur toute la politique économique et sociale de la nation. Comme telles elles doivent faire l’objet d’une information transparente et d’un débat démocratique, même si la période de l’année ne s’y prête guère.
Devant un tel risque de crise, devant de telles décisions, je vous demande instamment l’information de tous les Français, l’implication de tous les Français, à commencer par celle du Parlement. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit au Premier Ministre afin que sur la base de l’article 29 de la Constitution le Parlement puisse être réuni au plus tôt en session extraordinaire.
Il me paraît tout aussi indispensable et urgent que vous utilisiez les nouvelles prérogatives ouvertes par l’article 18 de la Constitution, vous permettant de vous exprimez solennellement devant le Parlement réuni en Congrès.
Les Français ont besoin de savoir
- quel est le diagnostic que le gouvernement porte sur la situation actuelle en France, dans la zone euro, en Europe et dans le monde ;
- quelle est l’exposition précise des banques françaises, des institutions de retraites et d’assurance vie françaises, en Grèce et dans les autres pays de la zone euro en difficultés, car ils y ont mis leur épargne ;
- quelles sont les propositions que la France, présidente du G8 et du G20, compte formuler face à ce risque systémique, et quels engagements le gouvernement entend prendre au nom des Français ;
- si la France est prête à soutenir un plan coordonné de chaque pays européen pour revenir dans un délai compatible socialement à l’équilibre de ses comptes publics ;
- comment faire en sorte qu’il ne s’agisse pas d’une résolution dans l’urgence mais d’une véritable sortie de crise ;
- quelles sont les raisons qui l’amènent à écarter, en l’état, la participation à court terme du secteur banquier et financier ;
- comment seront précisément engagés les 400 milliards du Fond Européen de Stabilité Financière (FESF) ;
- quel est l’engagement de la France pour revenir dès le budget 2012 au petit équilibre, c'est-à-dire à moins de 3% du déficit public comme le connaissait la France en 2007 ;
- si la France soutiendra très fortement les solutions innovantes, comme les euros obligations et la taxation sur les transactions financières pour garantir le caractère soutenable de ces différents plans ;
- quelle est la position de la France dans la dissociation entre les activités de banque de dépôt et de banque d’investissement ;
- le soutien que la France entend apporter à la création d’une agence publique de notation européenne.
La soutenabilité de la dette souveraine des Etats, la stabilité financière internationale, la cohésion économique et sociale, l’existence même de l’Europe, sont des enjeux trop cruciaux pour faire l’objet d’un simple traitement technique. Il est temps que la discussion soit portée devant la Nation.
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma très haute considération.
Jean-Louis Borloo
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