Ci-dessous une interview de Jean-Louis Borloo, publiée ce jour dans le journal Les Echos.
Le président du Parti radical, qui ne cache pas son ambition d'être candidat pour l'élection présidentielle de 2012, détaille dans un entretien aux « Echos » sa conception de la fiscalité. Il soutient notamment la proposition d'intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF.
Le projet de loi supprimant le bouclier fiscal et allégeant l'ISF est examiné à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Allez-vous le voter ?
Je ne me prononcerai pas tant que le débat n'aura pas eu lieu. C'est cela, le débat démocratique : avancer des arguments, chercher à convaincre, attendre de voir comment le texte évoluera. Je suis bien entendu pour la suppression du bouclier fiscal et j'ai moi-même déposé ou cosigné plusieurs amendements pour peser sur le texte proposé. Je soutiens la proposition d'intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, et j'ai même proposé d'aller plus loin. Je ne comprends pas que la taxation des plus-values sur les oeuvres d'art soit forfaitisée à 5 % du prix de vente ou à 8 % pour les métaux précieux. Ce sont aujourd'hui des marchés spéculatifs. J'ai donc proposé que ces plus-values soient taxées au même niveau que les autres. Quand il y a un accroissement de richesse, il doit y avoir un prélèvement universel. J'ai déposé par ailleurs un amendement pour fiscaliser les plus-values lors des cessions des filiales de groupes détenues depuis plus de deux ans. Qu'on aide les entreprises à s'internationaliser, d'accord, mais quand on vend une participation, au nom de quel principe cela devrait-il être exonéré ? Une taxation à 19 % rapportera 4 milliards d'euros.
Etes-vous favorable à une contribution spéciale sur les plus hauts revenus ?
Je suis pour la création d'une nouvelle taxation marginale d'impôt sur le revenu à 45 % pour la fraction supérieure à 150.000 euros par part. Mais au-delà de ces différents amendements que je souhaite, le collectif budgétaire n'est qu'un rendez-vous dans une réflexion bien plus profonde à mener sur notre fiscalité.
La fiscalité sera-t-elle au coeur de votre projet ?
Oui, car la fiscalité, avant d'être une technique, est le reflet d'un principe républicain : l'égalité, une égalité combinée à un objectif d'efficacité économique. Il faut ensuite dégager une méthode car une réforme fiscale réussie, c'est-à-dire pertinente et acceptée par les Français, ne se prépare pas à deux ou trois dans un bureau. C'est pourquoi je propose un « Grenelle de la fiscalité » associant toutes les parties prenantes. La fiscalité sera aussi au coeur de mon projet car le déficit budgétaire est immoral, injuste, il reporte sur nos enfants les errements du présent.
Comment conjuguer la justice et l'efficacité ?
Nous avons été très loin sur la défiscalisation de la rente, avec aujourd'hui neuf successions sur dix exonérées d'impôts. L'impôt doit être progressif dans tous les cas, sur les revenus du travail, mais aussi sur les revenus du capital. Les revenus du travail ne doivent pas être plus taxés que ceux du capital. Il faut aussi passer en revue toutes les niches, qui, rappelons-le, profitent trop souvent aux plus hauts revenus. Il faudrait en budgétiser une partie : ce serait au final moins coûteux pour l'Etat et cela obligerait à évaluer leurs effets tous les ans.
Etes-vous favorable à la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG comme le propose le PS ?
C'est une réponse technique à une vraie question de fond : celle de la taxation du travail et du capital. Le travail est aujourd'hui plus taxé que le capital. Ce n'est pas normal. Il faut qu'ils soient traités de la même manière. Cette fusion peut être une solution, à condition que le dispositif soit le plus progressif possible, préserve le quotient familial et allège le coût du travail pour les entreprises qui embauchent.
Pourriez-vous relancer le débat sur la TVA sociale pour alléger les charges sociales sur les entreprises ?
Nous avons un problème manifeste de destruction d'emplois. Je propose d'alléger les charges sociales pesant sur le travail, par exemple en définissant avec nos partenaires européens les 10 secteurs les plus vulnérables à la concurrence internationale. Pour financer ces baisses de charges, nous devons avoir une approche créative, en prélevant une partie des richesses créées par la mondialisation : fiscalisation du carburant embarqué sur les navires, application d'un taux minimal de 0,005 % sur les transactions financières, taxation des flux financiers à destination des pays pratiquant le secret bancaire.
Vous ne parlez plus de la fiscalité écologique...
Bien au contraire. Je suis plus que jamais favorable à une taxe carbone, mais au niveau européen. Il n'y a pas d'autres solutions depuis la censure du Conseil constitutionnel en décembre 2009.
Etes-vous favorable au principe de la prime pour les salariés des entreprises dont les dividendes progressent ?
C'est une direction intéressante, mais les modalités sont imparfaites. Il est gênant que la prime ne s'applique qu'à une partie des salariés. Il faudrait par ailleurs trouver des critères pour ne pas exclure la fonction publique.
L'UMP se réunit en convention mercredi sur le thème de la « justice sociale », notamment pour débattre du RSA. Etes-vous favorable à une réforme des minima sociaux ?
Il doit y avoir un statut social digne et efficace pour ceux qui n'ont pas droit aux revenus d'allocations classiques. Il faut travailler à un nouveau statut d'intérêt général préparant au retour à l'emploi, et qui soit entre le RSA et le contrat aidé, avec un effort massif de formation vers les métiers qui recrutent. Je souhaite aussi proposer un nouveau plan de services à la personne.
Accepteriez-vous de retourner à Bercy pour remplacer Christine Lagarde si elle part diriger le FMI ?
Vous savez, je suis désormais engagé dans un autre temps politique. Je veux aujourd'hui travailler et m'investir pleinement dans le débat qui s'ouvre face aux Français.
Craignez-vous que Nicolas Sarkozy cherche à « débaucher » certains de vos amis pour vous affaiblir ?
Les radicaux comme les centristes participent au travail de la majorité. Si le chef de l'Etat propose à l'un de mes proches de rejoindre le gouvernement, je ne m'y opposerai pas. Ma démarche ne se veut pas en opposition avec qui que ce soit. Je veux, avec méthode, porter un projet pour une France juste, devant tous les Français.
Quelle est votre réaction aux propos ce week-end de Nicolas Hulot vous concernant?
Le développement économique et l'emploi viennent déjà, et viendront plus encore demain, de la croissance verte et de la transition énergétique.
Qu'est-ce qui pourrait vous faire renoncer à vous présenter à la présidentielle ?
Une seule chose m'importe pour l'heure : dialoguer en profondeur avec les Français. Et pour le reste, je l'ai dit, rendez-vous entre l'été et l'automne.
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