Partisan d'une Europe concrète et chantre de la décentralisation, Adrien Zeller, mort samedi d'un nouvel accident cardiaque, a été un président de Région Alsace bouillonnant d'idées -- au moins une par jour --, à la fois régionaliste, humaniste et pragmatique.
Sec et nerveux mais aussi chaleureux, le président Zeller était très populaire en Alsace, y compris parmi ses adversaires politiques. Il avait gagné le respect de tous par sa force de travail, son intelligence et son implication dans la politique sociale, régionale et transfrontalière.
Il avait été victime d'un premier infarctus le 14 juillet et était hospitalisé depuis.
Cet économiste et agronome brillant, né en 1940 à Saverne (Bas-Rhin), ville dont il fut maire pendant 28 ans, a commencé comme fonctionnaire européen à Bruxelles en 1967 avant de se lancer dans la politique en Alsace en 1973.
Contre l'avis des partis et avec le seul soutien des jeunes agriculteurs, lui qui est catholique dans un fief protestant parvient en 1973 à arracher son siège de député du Bas-Rhin au sortant RPR. Un an plus tard, il arrive à la région Alsace comme conseiller.
Centriste proche de Jean Lecanuet, Pierre Méhaignerie et plus tard de Jean-Pierre Raffarin, Adrien Zeller est alors considéré comme le "poil à gratter" et "la bête noire" du gaullisme alsacien.
Il sera triomphalement réélu député jusqu'en 1998, avec une seule interruption de 1986 à 1988 pour être secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité sociale auprès du ministre Philippe Seguin, dans le gouvernement de Jacques Chirac.
C'est lors de ce passage au gouvernement qu'il a l'idée -- non retenue à l'époque -- de créer le revenu minimum d'existence, l'ancêtre du RMI qu'il met en pratique à Saverne et que Michel Rocard reprendra plus tard.
En 1989, il est élu député européen en 3e position sur une liste emmenée par Simone Veil et Jean-Louis Borloo, concurrente de la liste de Valéry Giscard d'Estaing. Mais il démissionne de son mandat européen en 1992, après avoir été réélu au Conseil régional d'Alsace.
En 1996, il remporte de haute lutte la présidence du Conseil régional face au RPR Hubert Haenel, dauphin du président décédé Marcel Rudloff (UDF). Pour y parvenir, il s'est acquis habilement le vote des écologistes, tout en évitant de donner des gages au Front national qui tentait de se poser en arbitre.
A la tête de la Région depuis cette date et seul rescapé avec le président de la Corse de la vague rose aux régionales de 2004, il imprime sa griffe dans les domaines de la coopération transfrontalière, du trafic ferroviaire (TGV, mais surtout du développement du TER) et de la gestion directe et expérimentale des fonds européens. Il est aussi à l'origine de la création à Strasbourg du pôle de compétitivité Alsace-Biovalley, spécialisé dans la recherche des sciences de la vie, médicale et des innovations thérapeutiques.
Soucieux de justice sociale, ses positions et initiatives pour lutter contre la pauvreté et le chômage l'ont rapproché de la gauche, mais il a constamment refusé toute forme d'idéologie en se disant partisan de l'intérêt général et de l'efficacité. C'est ainsi qu'il a souvent été considéré comme un dissident et qu'il est finalement passé de l'UDF à l'UMP en 2002, au grand dam de François Bayrou.
Il est l'auteur notamment de "L'imbroglio agricole du marché commun", de "La politique autrement" et de "La France, enfin forte de ses régions".
"Le président de la République vient d'apprendre avec beaucoup d'émotion et de tristesse le décès de M. Adrien Zeller", indique l'Elysée dans un communiqué. Avec Adrien Zeller, les Alsaciens "perdent un grand élu qui a consacré toute sa vie au développement d'une région qu'il servait avec un dévouement et une passion exemplaires", affirme le chef de l'Etat. Il salue également "la mémoire d'un serviteur inlassable et rigoureux de la chose publique" qui a "déployé son énergie, ses capacités et son intelligence à tous les niveaux".
le RPR en 1973 ?
Rédigé par : jmag | 23 août 2009 à 12:37